|
| Chapitre 2 |
L'étrange Arthur Blase
Kevin se réveilla le lendemain matin et jeta un coup d'oeil à son radio-réveil, dont les chiffres lumineux affichaient 6h45. Il se leva et, n'ayant pas faim, se dirigea directement vers la salle de bain. Il enfila à la hâte un t-shirt et un jean noirs. Il était 7h20 quand il partit pour le lycée.
Dix minutes plus tard, il était assis dans la cour, sur le même banc que la veille. Il vit Arthur s'assoir à coté de lui.
- Salut Kevin ! lança-t-il.
- Salut, marmonna l'intéressé.
- Ça va ?
- Oui…
- T'as pleuré hier en cours… C'est à cause de ton père ?
- J'aime pas en parler.
- Tu sais, moi, j'ai perdu mes deux parents, mon oncle et mon cousin en trois jours.
- Mmm...
Mais il ne l'écoutait pas : il semblait absorbé par ses souvenirs.
- Y a deux mois. J'étais parti me balader avec ma mère. On était dans la forêt et y avait un gros chien perdu. Je me suis approché et lui aussi. J'ai joué avec lui et j'ai demandé à ma mère si on pouvait le garder. Comme il n'avait pas de collier, ma mère a dit que oui. On l'a ramené chez nous.
Arthur essuya une larme.
- Et puis, en arrivant, le chien a bousculé mon père, qui allumait une cigarette, à la maison. Il est tombé et, avec son briquet, a mis le feu au tapis. Comme il était sonné, il ne s'est pas relevé et est mort sur le coup, brûlé. Toute la famille -ma mère, mon oncle, mon cousin et moi- a été emmenée à l'hôpital car on avait été brûlés gravement et avions inspiré beaucoup de fumée… Ma mère est morte à peine arrivée à l'hôpital. Mon oncle le lendemain et mon cousin le jour d'après, sûrement à cause des blessures. (Il eut un petit sourire.) Je suis en quelque sorte un rescapé. Et toi, c'est quoi ton histoire ? Ah oui, tu veux pas en parler. Et…
- Quoi ? demanda Kevin, à bout de nerfs.
- Hé, doucement ! rétorqua Arthur.
- Qu'est-ce que tu veux me demander ?
- Qu'est-ce que tu es désa…
- Désagréable ? Oui je sais. Abrèges.
- Mais c'est normal, tu sais : 99 % des personnes dans ton -dans notre, plutôt- cas sont comme toi : ils n'aiment pas parler de ce qui est arrivé, ils sont désagréables quand on en parle…
- La ferme, Arthur.
- Mais calmes-toi ! Je ne fais que parler…
- Justement. Arrêtes de parler. Tout de suite.
- Mais Kevin, j'ai pas fini…
- Arthur, j'aimerai rester seul.
- Ah, la solitude… 88 % des personnes…
- Casses-toi.
Kevin s'était levé.
- Arrêtes tout de suite avec tes pourcentages à la con.
- Kevin…
- Arthur, ferme-la et casses-toi.
- Mais Kevin ! Je sais bien que 75 % des gens…
- Arthur, ta gueule !
- M'oblige pas à enlever mes lunettes, Kevin !
- Quoi ? Tu crois que tu me fais peur ?
- Bah, euh… Tout le monde a peur de moi à cause de ça… Euh… Quand je les enlève… je… Euh… Ah, voilà ! Je fous une droite à celui qui est devant moi !
- Maman, j'ai peur !
Arthur fit glisser ses lunettes rondes dans sa main.
- Tu fais moins la malin, là !
- Bien sûr, bien sûr…
- Mais arrêtes de te foutre de moi ! Je peux faire très mal si…
- Si…?
- Si…
- Si quoi, merde !
- Si j'ai envie.
- Oh la la, je flippe trop là ! Je tremble !
- Mais…
- Mais quoi ?
- Mais...
- Mais casses-toi, Arthur !
- T'as entendu ce qu'il t'a dit ?
Kevin et Arthur se retournèrent. Stella se trouvait derrière eux.
- Hein Arthur ? Arthur Blase ? Wouhou, je te parle, là ! T'as entendu ce qu'il t'a dit ? Tu dégages !
Contre toute attente, Arthur remit ses lunettes et tourna les talons. Kevin se rassit sur le banc. Stella s'installa à son tour.
- Fais pas attention à lui, c'est un malade. Il vit dans les chiffres. Pour lui c'est impossible de sortir une phrase sans un pourcentage.
Kevin regarda Arthur, qui les observait du coin de l'oeil à l'autre bout de la grande cour.
- Ouais, effectivement…
|
|
