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Programme |
JOURNÉE D’ÉTUDES LANGUES VIVANTES ÉTRANGÈRES
CPGE/Université — Lycée Pothier (Orléans)
Jeudi 18 janvier 2024
FRONTIÈRE(S)
Programme prévisionnelAuditorium du Lycée Pothier, 2Bis Marcel Proust, 45000 Orléans
Timothy O'Sullivan, Iceberg Canyon, Colorado River, Looking Above (1871), Albumen silver print
8h30 : café d’accueil
8h45 : ouverture de la JE et introduction
- Matthieu Vaudin (Inspecteur général de l’Éducation, du Sport et de la Recherche)
- Françoise Ould Sidi Fall (Proviseure du lycée Pothier)
- Xavier Bouthors (Proviseur-adjoint du lycée Pothier, section CPGE).
- Nicolas Bicanic-Melis (Professeur en CPGE littéraire et scientifique)
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ATELIER N°1 — (RÉ)ÉCRITURES — (9h-10h30)
9h-9h10 : présentation des conférenciers et ouverture de l’atelier
9h10-9h30 : Augustin Habran : « Réinventer la souveraineté sur la Frontière : les Indiens déportés du Sud-Est dans une nation en construction (1830-1861) »
Sous la présidence d’Andrew Jackson, l’impulsion nationaliste et expansionniste du gouvernement fédéral, qui se développe au profit du Sud esclavagiste, atteint son paroxysme avec le passage du Removal Act en 1830. Le déplacement contraint des nations indiennes de l’est du Mississippi et la subséquente création du Territoire Indien (est de l’État actuel de l’Oklahoma) modifient considérablement le paysage culturel et géopolitique des Grandes Plaines. Alors qu’elles subissent la déportation vers l’Ouest, les nations indiennes du Sud-Est (Cherokee, Choctaw, Chickasaw et Creek), qui avaient développé une forme de mimétisme stratégique pour résister contre la colonisation euro-américaine, semblent devenir les agents centraux d’un middle-ground (White) sur lequel elles sont contraintes d'interagir avec les Osage et les Comanche dans les Plaines. Si les dirigeants indiens du Sud-Est doivent renoncer au projet nationaliste qu’ils avaient contemplé à l’Est dans le cadre de leur résistance, ils reproduisent un arsenal institutionnel de formation de l’État dans l’Ouest, modelé d’après la structure des autres États américains. Dans un contexte de survivance, en s’appropriant les terres allouées par le gouvernement, ils font du Territoire Indien une extension économique, politique et culturelle de la république des États-Unis et deviennent, malgré eux, colonisateurs des populations autochtones de la région à qui appartiennent traditionnellement ces territoires. La poursuite d’une résistance par la transculturation place les nations exilées dans une position ambigüe. Les stratégies développées par les nations indiennes en exil pour réinventer de nouvelles formes de souveraineté en Territoire Indien semblent déplacer géographiquement et culturellement la « Frontière » plus à l’ouest. Dans un tel contexte, il apparaît que les initiatives de résilience des Indiens déportés coïncident avec le processus d’expansion impérialiste des États-Unis à l’époque. Si la notion de « Frontière » telle que définie par Turner au tournant du XXe siècle a depuis longtemps été reconsidérée par les ethnohistoriens (Richter, White, Hämäläinen, etc.), un tel phénomène, qui propose un paradigme tout particulier de l’agentivité autochtone dans l’élaboration de l’espace nord-américain, nous amène néanmoins à interroger le rôle joué par ces populations indiennes dans le processus de construction de l'État-nation états-unien au milieu du XIXe siècle.
Augustin Habran est Maître de conférences en histoire et civilisations des États-Unis à l’Université d’Orléans. Ses travaux de recherche se concentrent sur la relation entre l’État fédéral et les nations indiennes à l’ère dite « jacksonienne ». Plus largement, il s’intéresse au rôle joué par les populations autochtones dans la construction de l’Ouest au XIXe siècle.
9h30-9h50 : Catherine Pélage : « Réécrire la frontière République Dominicaine-Haïti : cartographies mouvantes de la romancière dominicaine Rita Indiana »
Lorsque l’on pense aux frontières dans les Amériques, l’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est celui de la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Il est une autre frontière, moins étudiée mais elle aussi hautement révélatrice de tensions historiques et actuelles : celle qui sépare Haïti de la République Dominicaine.
Les créateurs dominicains de l’extrême contemporain se sont emparés de cette problématique. C’est le cas de Rita Indiana (1977), romancière, chanteuse, performeuse qui est l’une des figures clés de la littérature caribéenne actuelle. Son roman Nombres y animales (2013) se situe à Saint-Domingue en 1992. La protagoniste, adolescente de 14 ans, est hébergée chez son oncle et sa tante, propriétaires d’une clinique vétérinaire, tandis que ses parents sont à Séville et visitent l’exposition universelle consacrée à « L’Ère des découvertes ». Loin des commémorations officielles, la protagoniste découvre de nouveaux mondes grâce à l’amitié qu’elle noue avec Radamés, un employé haïtien. La prose explore des dimensions « rayanas », terme qui, dans ce contexte, désigne les habitants de la frontière République Dominicaine-Haïti et par conséquent des processus marqués par la transculturation.
Notre hypothèse est que, bien plus qu’un simple roman d’apprentissage, Nombres y animales élabore une poétique « rayana » qui, fondée sur des relations intertextuelles avec L’île du docteur Moreau d’H.G. Wells et des hommages à l’oralité caribéenne, explore de nouvelles façons d’exprimer des frontières et des réalités en mouvement constant.
Catherine Pélage est Professeure de Littératures et cultures d’Amérique Latine à l’Université d’Orléans. Ses travaux portent sur la littérature dominicaine produite à l’intérieur du pays ou depuis la diaspora. Elle travaille également sur l’écriture migrante d’auteurs dominicanyorks, sur les performances littéraires d’artistes dominicains très contemporains de la représentation de l’insularité.
9h50-10h10 : Cucuzza Carlotta : « Délimitation d’un canone letterario en Italie du Risorgimento jusqu’à nos jours »
Quelles œuvres lire et étudier aujourd’hui ? Les choix qui ont été faits en Italie dans la définition d’un corpus de classiques à étudier à l’école sont intimement liés à la construction politique du pays. Les frontières de ces programmes sont-elles définitivement figées ou susceptibles d’être repensées aujourd’hui ?
Ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon, Cucuzza Carlota est professeure agrégée d’Italien et traductrice.
10h10 : échanges
10h30 : pause café
ATELIER N°2 — IDENTITÉS — (10h50-12h20)
10h50-11h : présentation des conférenciers et ouverture de l’atelier
11h-11h20 : Jaime Céspedes : « Identité et frontières de l’Europe selon l’écrivain franco-espagnol Jorge Semprún »
L’intellectuel et homme politique Jorge Semprun (1923 2011) est l’auteur d’une œuvre littéraire qui l’a rendu célèbre au niveau international, notamment grâce à ses récits concentrationnaires sur le camp de concen tration de Buchenwald, dont L’Écriture ou la Vie, son ouvrage le plus connu. Pendant les dernières années de sa vie, Jorge Semprun, ancien ministre espagnol de la Culture (1988 1991), membre de l’Académie Gon court de 1996 à 2011, a écrit plusieurs discours, conférences et essais sur l’ « identité européenne », un concept remis en question par ceux qui pensent que l’Union Européenne est une association politique et juridique mais non culturelle, étant donné la grande variété de cultures et de langues qui intègrent les « cultures » de l’Europe. Cependant, Semprun est un des intellectuels qui se sont efforcés de « démontrer » que la culture européenne au singulier est un concept pertinent. Nous aborderons dans notre communica tion les critères qui président la proposition de Semprun à travers les textes qu’il a consacrés à cette ques tion, ainsi que les noms qu’il met en avant comme représentants principaux de son idée d’une culture euro péenne commune.
Jaime Céspedes est Maître de conférences et directeur de recherches en Civilisation et cinéma de l’Espagne contemporaine à l’Université d’Orléans. Il s’intéresse notamment aux rapports socio-culturels France-Espagne-Amérique Latine et a publié de nombreux travaux sur l’oeuvre de Jorge Semprún.
11h20-11h40 : Alizée Goron : « Frontières et corps vêtus dans des oeuvres contemporaines d’autrices britanniques sud-asiatiques »
Cette communication porte sur les œuvres de trois autrices britanniques d’origine sud-asiatique : les romans Brick Lane, écrit par Monica Ali et publié en 2003, et Home Fire, écrit par Kamila Shamsie et publié en 2017, et le recueil de poèmes Postcolonial Banter écrit par Suhaiymah Manzoor-Khan et publié en 2019. Ces travaux offrent, chacun à leur manière, une fenêtre sur l’expérience des femmes musulmanes au sein de l’espace national britannique. Le roman de Monica Ali relate la vie d’une femme bangladaise qui immigre au Royaume-Uni à la suite de son mariage avec un homme qui vit à Londres. Celui de Kamila Shamsie est une réecriture d’Antigone en contexte pakistano-britannique, dans laquelle les personnages se déchirent autour du départ d’un des leurs pour la Syrie et l’État Islamique. Les poèmes de Manzoor-Khan, quant à eux, se fondent sur son expérience vécue, en tant que femme musulmane britannique, du racisme, de la misogynie et de l’islamophobie. Ce travail consiste à étudier dans ces textes le rapport conflictuel qu’entretiennent les femmes musulmanes à l’espace et à la frontière, en se fondant notamment sur les apports des border studies, des études postcoloniales et décoloniales et du féminisme phénoménologique. Ces trois œuvres explorent la notion de frontière à des niveaux différents. Elle est la fois le lieu géographique qui délimite un pays, un espace où des subjectivités marginalisées tentent de négocier leur identité, leurs droits et leur voix, et une certaine manière d’appréhender l’expérience incarnée de corps considérés comme marginaux au sein de l’espace géographique, national et littéraire. En effet, dans ces trois textes, les corps des femmes sont représentés comme marginaux en raison de leur genre, de leur race, et de la manière dont ils sont vêtus. Ils sont ainsi l’objet de perceptions et de projections, mais aussi le lieu de la résistance à cette marginalisation. Cette communication vise donc à mettre en évidence le corps vêtu comme lieu de cristallisation de ce rapport conflictuel à l’espace frontière. En étudiant conjointement des œuvres, des autrices et des thématiques en apparence très différentes, elle prône aussi le décloisonnement et l’inclusivité de la recherche en littérature et invite les étudiant.e.s à considérer la recherche comme un moyen de créer des ponts plutôt que de tracer des frontières.
Ancienne élève de l’École normale supérieure Paris-Saclay (anciennement Cachan), Alizée Goron est doctorante à l’Université de Lille et enseigne la littérature anglophone. Sous la direction de Fiona McCann, elle rédige une thèse sur le vêtement et les identités féminines musulmanes dans des oeuvres choisies d’autrices britanniques issues du sous-continent indien (2003-2021).
11h40-12h : A définir
12h : échanges
12h20-14h :
déjeuner officiel en salle d’honneur pour les conférenciers
(offert par le Lycée Pothier)
ATELIER N°3.1 — ÉCHANGES ET TRANSFERTS — (14h-15h30)
14h-14h10 : présentation des conférenciers et ouverture de l’atelier
14h10-14h30 : Arthur Acker : « Un exemple d’échanges transfrontaliers : les réseaux de l’albâtre dans les vallées du Rhin et du Main, XVIe-XVIIIe siècles »
Depuis plus d’un an, des chercheurs, majoritairement français et allemands, issus de différentes disciplines et de différentes institutions, se penchent, dans le cadre du projet « Materi-A Net », sur diverses questions qui entourent l’usage de l’albâtre en Europe tout au long de l’ère moderne, période au cours de laquelle cette roche connut son âge d’or dans la sculpture européenne. Parmi ces interrogations, les découvertes et redécouvertes d’anciennes carrières d’albâtre en Lorraine, en Franconie et en Hesse, ainsi que la découverte de sculptures en albâtre tout au long des vallées fluviales du Rhin et d’un de ses affluents, le Main, notamment grâce aux méthodes de la géochimie, posent la question de l’existence d’un vaste réseau de l’albâtre dans l’ouest du Saint Empire romain germanique, ensemble lui-même constitué d’une mosaïque d’entités politiques autonomes et capables de commercer, d’échanger de l’albâtre certes, mais aussi des artistes, entre elles. Deux exemples peuvent en particulier attirer notre attention. A Castell, en Franconie, des archives personnelles de l’ancienne famille comtale ont émergé un dossier spécifiquement lié à l’exploitation de l’albâtre local. Correspondances entre princes, entre baillis et artistes, contrats, prix, commandes… la richesse de ce fonds et son étude peuvent nous permettre de réfléchir à l’étendue et à la nature des liens créés par le matériau, en Franconie certes, mais aussi plus loin. En Lorraine, l’albâtre est quant à lui l’objet d’autres enjeux. Les dépôts d’albâtre, comme en Franconie, transcendent les frontières politiques de la Lorraine du XVIe siècle. Partagées entre le Duché de Lorraine et l’Evêché de Metz, les principales carrières historiques lorraines ont été abondamment utilisées dans un cadre local, alors même qu’une région en particulier, le Saulnois, très disputée du fait de la présence et de l’exploitation de sel, a semblé être un centre régional d’extraction de l’albâtre. Un dernier enjeu brûlant concerne l’albâtre lorrain : un groupe d’oeuvres d’art analysées ont une signature très proche les unes des autres, sans pouvoir être rattachées à une carrière. Toutes se situent en aval de Metz, au bord de la Moselle et du Rhin. Par ailleurs, grâce aux méthodes de nos différentes disciplines, nous sommes en quête d’une carrière, à proximité de Metz, qui n’a jusqu’ici pas réussi à être localisée. Nous reviendrons sur les différentes hypothèses que les chercheurs associés à Materi-A-Net exploitent.
Arthur Acker est doctorant à l’EHESS et à l’Université de Cologne sous la direction d’Étienne Anheim. Membre du CRH, ses travaux portent sur les échanges matériels, artistiques et intellectuels en matière d’albâtre dans le triangle Lorraine, Hesse, Franconie, du XVe et XVIIIe siècle.
14h30-14h50 : Sébastien Türk : « Transferts interconfessionnels de la France vers le Saint-Empire autour de 1700 : Approches méthodologiques »
Cette proposition de communication se veut une contribution au dialogue entre filières, approches et spécialisations tel qu’il est envisagé pour cette journée d’études. Elle se veut concrète. Je propose de partir de ma propre expérience de chercheur, spécialisé dans l’histoire des idées du monde germanique et travaillant sur des problématiques d’espace et de transfert dans la production et la transmission des savoirs. Ce sont les frontières d’ordre religieux et culturel et leur dépassement qui m’intéressent, plus particulièrement les transferts interconfessionnels de la France vers le Saint-Empire autour de 1700. J’ai travaillé sur la réception d’écrits en provenance du catholicisme français au sein d’un milieu spécifique du protestantisme allemand. Il s’agit du mouvement de renouveau religieux qu’on appelle le piétisme. Mes travaux concrets sur cette thématique m’ont amené à expérimenter plusieurs approches méthodologiques. Dans ce contexte, ma communication se propose premièrement de discuter le positionnement parfois difficile face aux méthodes controversées pour mettre en relation des sphères culturelles. Par exemple, la comparaison, le transfert culturel ou l’histoire croisée continuent de faire débat1 . Deuxièmement, il convient de souligner le fait que les idées ne traversent pas par magie des « frontières » pour atterrir comme vagues « influences » dans des textes produits au sein d’une autre sphère culturelle ou religieuse. Les idées se communiquent bien concrètement par paroles et écrits qui circulent entre êtres humains2 . Les figures de médiateurs et leurs réseaux revêtent dès lors un intérêt particulier. A travers un cas concret de « passeur d’idéés », j’aimerais discuter quelques difficultés que leur étude peut soulever.
Sébastien Türk est Maître de Conférences en études germaniques (section 12) à l’Université d’Orléans. Il membre titulaire du laboratoire « Pouvoirs, Lettres, Normes » (EA 4710) et de son équipe « De l’Âge Classique aux Restaurations »
14h50-15h10 : Clémence Piquet-Delabrousse : «Le coffret en ivoire sicilien comme objet-frontière»
Dans un article central paru en 2015, David Bramoullé souligne la position éminemment stratégique de la Sicile, point de contact et frontière entre les mondes byzantin, islamique et l’Occident chrétien. D’abord province de l’Empire byzantin entre le VIe et le VIIIe siècle, elle tombe en 831 sous le contrôle des Aghlabides, vassaux du califat abbasside de Bagdad, puis sont renversés en 948, par le gouverneur ibn’Ali al-Kalbi, qui fonda sa propre dynastie, les Kalbites, vassale des Fatimides. En 1044, l’émirat chute et est remplacé par quatre caidats. Enfin, la Sicile est conquise par Roger de Hauteville, dit Roger Ier, en comté en 1071. Malgré le départ d’une partie des musulmans puis leur déportation dans les Pouilles lors de l’occupation normande, la population sicilienne se définit par sa multiethnicité, ces diverses invasions façonnant sa culture, sa langue et ses moeurs. En effet, vivaient sur l’île des Arabes, des Berbères, des Andalous, des Grecs, des Normands, des Lombards, des Crétois et des Khorassaniens. Il en découle un syncrétisme au sein de la culture matérielle.
Les coffrets en ivoire siciliens en sont un exemple probant. Produit entre le XIe et le XIIIe siècle, ces objets sont commandés par l’élite normande catholique afin de probablement conserver des bijoux ou écrits diplomatiques et sont fabriqués dans des ateliers multi-ethniques et confessionnels (musulmans fatimides, orthodoxes grecs et coptes, possibles musulmans originaires de l’empire seljukide). Puis ces coffrets s’extraient de leur contexte de création à destination d’une cour princière pour devenir des objets liturgiques. Ils s’insèrent dans le commerce issu des Croisades et se retrouvent reliquaires dans des églises du Saint-Empire romain germanique ou bien encore du Royaume de France et d’Angleterre. Ainsi par leur caractère multiculturel, ces objets pourraient être qualifiés d’objet-frontières.
L’objectif de cette intervention sera d’établir si les coffrets siciliens s’inscrivent bien dans le concept d’objet-frontière par le biais de multiples problématiques soulevées autour des dynamiques de production et de consommation des objets. Ces objets sont-ils objet-frontières lors de leur productions ? Ou bien lors de leurs utilisations par de multiples propriétaires dans un cadre géographique mouvant ? Ces questions retracent la vie de ces objets et questionnent ces concepts liés aux frontières et aux identités.
Doctorante à l’Université d’Orléans, Clémence Piquet-Delabrousse est membre du laboratoire POLEN. Elle est chargée d’études et de recherche à l’Institut national d’histoire de l’art et ses travaux portent sur l’histoire des techniques et des disciplines artistiques, notamment l’ensemble des objets mobiliers ayant été produits ou utilisés sur le sol sicilien du VIIIe au XIIIe siècles. Elle aborde les interactions entre monde islamique, chrétien occidental et byzantin.
15h10 : échanges
15h30 : pause café
ATELIER N°3.2 — PERMÉABILITÉ ET POROSITÉ — (14h-15h30)
Salle à définir
14h-14h10 : présentation des conférenciers et ouverture de l’atelier
14h10-14h30 : Pierre-Alexandre Beylier : « Sécurité à la frontière Canana/États-Unis : approche multi-perspectives »
Depuis une vingtaine d’années, les frontières ont connu un regain d’attention sans précédent. Aux prises avec des forces de défrontiérisation et de refrontiérisation, elles sont façonnées par des processus antithétiques qui, d’une part, tentent de les démanteler pour favoriser les échanges internationaux et, d’autre part, visent à les renforcer pour lutter contre certaines menaces exogènes (Andreas et Biersteker 2003 ; Herzog et Sohn 2019).
La frontière Canada/États-Unis illustre bien la situation quasi-schizophrénique dans laquelle se trouvent bon nombre de frontières. Alors qu’elle était, au siècle dernier, une frontière invisible et non-défendue, dont peu de personnes faisaient fî, site de la relation commerciale la plus importante dans le monde, elle a vu un certain nombre d’enjeux émerger autour d’elle, notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001 qui ont sonné le glas de son ouverture sans pareil (Drache 2004 ; Alden 2008). Parce que les États-Unis craignaient qu’elle puisse constituer une porte d’entrée privilégiée pour d’éventuels terroristes, ils se sont lancés dans une sécurisation à grande échelle qui a eu un éventail d’impacts.
Cette communication souhaite donc adopter une approche multi-perspectives pour mieux comprendre les évolutions récentes dont cette frontière peu connue a fait l’objet.
Dans une première partie, il s’agira d’expliquer comment cette sécurisation sans précédent a été mise en place pour faire d’elle un rempart contre la menace terroriste sans toutefois entraver les échanges si importants dans l’économie mondialisée. Toutefois, plus qu’une simple sécurisation, la frontière Canada/États-Unis a fait l’objet d’une véritable reconfiguration qui a vu son fonctionnement changer et fait d’elle une « frontière intelligente ».
Dans une seconde partie, nous nous interrogerons sur l’impact que cette frontière « surimposée » a pour des Premières Nations qui voient en elle un instrument du pouvoir colonial (Pradeau 1994 ; Rensink 2018). Instrument qui a mis fin à leur libre-circulation et qui leur a imposé une sédentarisation et une identité forcées, la frontière a été une force coercitive importante, a fortiori à l’ère de la sécurité.
Enfin, malgré ces forces de refrontiérisation, la frontière est également le site de projets transfrontaliers qui visent à favoriser des liens qui transcendent la ligne internationale. C’est par exemple le cas de la région de Cascadia, dans le Pacifique Nord-Ouest. Nous nous proposons donc de réfléchir à la façon dont la frontière est repensée et envisagée comme une « construction sociale » dans le cadre d’une région transfrontalière qui voit émerger une identité spécifique (Perkman et Sum 2002; Pestov 2015; Sohn 2018).
Ancien élève de l’École normale supérieure de Cachan, Pierre-Alexandre Beylier est Maître de conférences en civilisation nord-américaine depuis 2014 à l’Université Grenoble-Alpes. Ses travaux portent sur les questions de frontières (sécurité, villes-frontières et régions frontalières).
14h30-14h50 : Julie Anne Demel : « Les châteaux de frontière du Liechtenstein »
"Hraniční zámeček" en Moravie et Vaduz ont scellé le destin des Lichtenstein . La Maison de Liechtenstein tire son nom du château de Liechtenstein, un édifice situé dans la banlieue sud de Vienne.Au fil de l´ histoire les Lichtenstein acquièrent des territoires en Moravie et à la frontière austro-suisse. Ces acquisitions seront leur destin. Les Lichtenstein tant en Moravie qu´à Vaduz ont su au cours des siècles et des turbulences de l’histoire tirer parti de la situation géographique de leurs territoires. Après la perte de leurs propriétés situées en République tchèque, les Lichtenstein se tournent vers l ´Autriche où ils ont conservé de nombreux biens et les font prospérer. Les deux Palais à Vienne illustrent la richesse et la splendeur de cette dynastie. A Vaduz les Princes de Lichtenstein ont profité de leur frontière avec la Suisse pour jouer la carte Suisse. Ils ont fait de leur Principauté un petit état prospère, neutre, moderne offrant de nombreux avantages fiscaux et une grande stabilité politique. Leur économie et leur politique est en grande partie calquée sur celles de leur voisin suisse. Aujourd´hui le Lichtenstein possède un des plus hauts PIB par habitant au monde.
Julie Anne Demel est agrégée d’allemand et l’auteure d’une thèse intitulée : « Regard historique sur la diplomatie féminine entre la France et l’Autriche, de la paix des Dames au traité de Lisbonne. » Elle enseigne actuellement au lycée Pothier d’Orléans.
14h50-15h10 : Thomas Hernandez : « Le cinéma italien devant la crise migratoire en Méditerrannée depuis les années 2010 : Réhumaniser la traversée des frontières »
Depuis les années 2010, la crise migratoire, c’est-à-dire l’augmentation considérable du nombre de migrants arrivant dans l’Union européenne par les Balkans et la Méditerranée, est vastement relayée dans les médias européens. Mais s’il y a une étape de l’itinéraire des réfugiés qui l’est plus que d’autre, c’est la traversée de la frontière européenne.
Un lieu en particulier fait l’objet d’un nombre considérable de reportages et d’articles : Lampedusa. Cette île italienne à 150 kilomètres de la Tunisie et à 200 de la Sicile, où les quelques 6 000 habitants vivent de la pêche et du tourisme, est le principal point d’accès de milliers de réfugiés en Italie. On pourrait dire qu’il s’agit d’une « île frontière », mais cela n’est pas une évidence. Si l’on prend le terme frontière au sens d’une ligne définie marquant la séparation entre deux territoires, Lampedusa n’en est pas une puisque c’est la mer qui fait frontière avec les territoires les plus proches (Malte, Tunisie, Lybie). En revanche, il s’agit d’un territoire par lequel entrent en contact des populations qui n’ont pas la même langue, la même culture, la même religion – en l’occurrence, il y a contact entre les habitants de l’île, les Italiens, et les réfugiés. C’est en ce sens qu’on peut dire que Lampedusa est une île frontière : c’est un lieu de passage. D’autre part, cette île est tristement célèbre, puisqu’en 2013 un bateau qui transportait 500 réfugiés a fait naufrage près de ses côtes, provoquant la mort de 368 personnes. Lampedusa est donc non seulement le symbole de la migration clandestine sur le continent européen, mais aussi celui de la réalité des réfugiés qui risquent leur vie en traversant une mer dans des conditions extrêmement difficiles.
Lampedusa et la situation des réfugiés ont suscité un intérêt particulier chez plusieurs cinéastes italiens, dont les films seront l’objet de mon intervention. J’ai choisi d’en proposer trois à l’étude, parmi une multitude de productions, parce qu’ils traitent du sujet avec des approches différentes quoique complémentaires : Terraferma de Emanuele Crialese (2011), Fuocoammare de Gianfranco Rosi (2016) et Io Capitano de Matteo Garrone (2023). Ces films utilisent différents moyens techniques – la fiction ou le documentaire – et différents récits – les liens entre les insulaires et les réfugiés pour les deux premiers, le récit d’une odyssée pour le troisième. Terraferma est une fiction, celle d’une famille de pêcheurs de Lampedusa qui recueille dans leur bateau des réfugiés qu’ils ont rencontrés en haute mer, malgré l’interdiction des autorités italiennes, ce qui leur cause des problèmes avec la justice ; entre temps, ils hébergent une jeune femme avec ses deux enfants qui doit se rendre à Turin pour rejoindre son mari. Fuocoammare est un documentaire qui entrecroise des séquences sur le quotidien ordinaire des habitants de Lampedusa avec des séquences sur l’arrivée des réfugiés sur l’île. Io Capitano est un film qui met en scène la trajectoire de deux jeunes sénégalais de 16 ans depuis leur départ de leur terre natale jusqu’à leur arrivée sur le continent européen – dans ce film, les frontières sont terrestres et maritimes, puisque c’est par Lampedusa qu’ils gagnent l’Europe.
La frontière constitue en elle-même un traitement esthétique particulier dans les films : puisqu’elle ne correspond pas à une réalité tangible, comment la montrer à l’écran ?
Thomas Hernandez est normalien-élève à l’ENS de Paris, ancien étudiant en CPGE A/L, il travaille actuellement sur le traitement esthétique des frontières dans le cinéma italien contemporain.
15h10 : échanges
15h30 : pause café
ATELIER N°4 (1/2)— LANGUES-PROFESSIONS — (16h00-17h30)
16h-16h10 : présentation des conférenciers et ouverture de l’atelier
16h10-16h30 : Brice Poulot-Derache : « Langues étrangères et vie professionnelle : le paradoxe révélé »
Somme toute, peu de métiers nécessitent une connaissance approfondie des langues étrangères : traducteur, interprète, enseignants en langue...la liste est courte. Cependant, il apparaît sur la majorité des offres d’emploi que la maîtrise d’une ou de plusieurs langues étrangères est obligatoire ou vivement souhaitée, même lorsque le poste ne semble pas directement lié à la linguistique. Donc si maîtriser plusieurs langues n’est pas forcément nécessaire à la réalisation des tâches intrinsèquement liées aux métiers, il n’en demeure pas moins qu’elles sont une valeur ajoutée dans divers contextes professionnels. Ce constat nous amène à la réflexion suivante : comment expliquer l’injonction de maîtriser plusieurs langues dans le monde professionnel sans pour autant exercer un métier lié aux langues ? Cela nous conduira d’abord à établir une distinction réelle entre la notion de métier et la notion de fonction, puis à l’aune de cette dichotomie, de définir la maîtrise des langues étrangères comme une compétence professionnelle transversale. Enfin cela nous permettra d’évoquer l’importance de l’apprentissage et l’utilisation des langues vivantes en contextes professionnels.
Directeur du conservatoire à rayonnement communal de Saint-Ouent sur Seine (91), Brice Poulot-Derache est ancien directeur du département des langues de l’ISIT Panthéon Assas Université.
16h30-16h50 : Margaux Guillerit : « Étude du discours des juges et des avocats à la Cour suprême des États-Unis : l’apport de la linguistique pour étudier un discours professionnel »
Dans le monde académique francophone, l’anglais de spécialité “traite de la langue, du discours et des communautés professionnelles et groupes sociaux spécialisés anglophones (…)” (Petit, 2002, paragr. 8). C’est ce cadre d’analyse que nous utilisons dans notre thèse pour étudier les dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans les oral arguments de la Cour suprême des États-Unis et ainsi franchir la frontière entre monde professionnel et étude linguistique.
Dernière étape avant que les juges ne se réunissent pour statuer sur une affaire, l’oral argument est une joute verbale entre professionnels du droit (les neuf juges de la Cour et les avocats des parties) dont le but est notamment pour les avocats de convaincre les juges de voter en leur faveur en utilisant des arguments de droit, et pour les juges de poser leurs éventuelles questions avant leur prise de décision. Si les oral arguments et la Cour suprême ont largement été étudiés par des juristes, ils n’ont fait l’objet que de rares analyses linguistiques.
Avec notre thèse, nous nous proposons de pallier ce manque dans la littérature en nous inscrivant dans le champ disciplinaire de l’anglais de spécialité, qui offre un cadre permettant d’apporter un éclairage linguistique sur des discours professionnels, ici celui de la des juges et des avocats à Cour suprême.
Pour étudier le discours des professionnels du droit que ce sont les juges de la Cour suprême et les avocats qui y plaident, nous nous appuyons sur un corpus d’oral arguments de 1 200 000 mots que nous avons divisé en deux sous-corpus (avocats locuteurs et juges locuteurs). Nous avons ainsi pu repérer puis analyser des éléments tels que des verbes ou des mots grammaticaux, qui, même s’ils n’en avaient pas l’apparence au premier regard, sont en fait utilisés par les juges ou les avocats pour négocier le pouvoir lors des audiences. Lors de notre intervention pour la JE, nous donnerons un aperçu de notre méthode et de nos résultats, afin de montrer comment une étude linguistique du discours des juges et des avocats permet de de mieux comprendre ce qui se joue dans lors des audiences de la Cour suprême.
Ancienne élève de l’ENS Paris-Saclay, Margaux Guillerit est agrégée d’anglais dans le supérieur (PRAG), doctorante en anglais de spécialité, membre du laboratoire CLILLAC-ARP de l’Université Paris Cité et enseigne la civilisation américaine à l’Université Paris 8.
Conférence en langue étrangère : anglais
16h50-17h10 : Constanza Gallina : « Words that Heal: Combating Stigma in Mental Health through Education and Linguistic Awareness »
To be announced
Docteure en Sciences de l’éducation, titre délivré par l’Université de Bologne, Constanza Gallina a travaillé pour l’Union Européenne au sein de projets en politique éducative. Elle travaille désormais sur les troubles psychiatriques dans l’espace scolaire via une approche psycho-linguistique.
17h10 : échanges
ATELIER N°4 (2/2)— LANGUES-PROFESSIONS — (17h20-18h00)
Conférence réservée en priorité aux étudiants CPGE scientifiques
17h20 : ouverture et présentation du Dr. Kloppman
17h30-17h50 : Wolfram Kloppmann : « La nature dépasse les frontières : comment gérer des ressources partagées entre l’Allemagne et la France, exemple de la nappe du Rhin. »
La nappe du Rhin, partagée entre la France, l’Allemagne et la Suisse, constitue de par son étendue, son volume total disponible et de par le nombre d’habitants qui en dépendent l’une des ressources en eau souterraine les plus importantes de l’Union l’Européenne. Cette nappe s’étend en effet de Mayence à Bâle sur les deux rives du Rhin, sur environ 300 km de longueur et 35 km de largeur. Les enjeux liés à cette ressource sont énormes puisqu’elle est transfrontalière et concerne l’une des parties les plus densément peuplées de l’UE et qu’elle est partagée entre des usages domestiques, agricoles et industriels. Cette ressource se trouve donc sous pression à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif puisque les trois usages sollicitent la nappe du Rhin par l’intermédiaire des puts de pompage mais qu’en même temps chacun d’eux entraîne également son lot de pollution de tout type, que ce soit les sels des anciennes mines de potasse, les nitrates et pesticides de l’agriculture intensive, ainsi qu’un cocktail très complexe de polluants issus d’eaux usées (domestiques et industrielles) ou parce que la nappe est située sous des sites industriels eux-mêmes pollués.
La gestion de la ressource en eau du Rhin est nécessairement transfrontalière, ce qui signifie qu’elle implique la collaboration entre trois pays, France, Allemagne et Suisse, et ce à toutes les échelles, en partant du château d’eau, de la station d’épuration ou du petit bassin versant agricole jusqu’aux régions françaises et aux Länder allemands. Ce sont notamment les grands programmes de recherche européenne comme INTERREG qui ont soutenu cette gestion d’une ressource en eau véritablement transnationale. Dans une partie de l’Europe où les frontières historiques ont été fluctuantes, une bonne partie des acteurs des deux côtés du Rhin maîtrise fort heureusement la langue de l’autre rive. Le bilinguisme est une des clefs de cette collaboration à tous les niveaux et nombreux sont et ont été les projets de recherche menés sur cette nappe par des équipes franco-allemandes.
Depuis des décennies, le BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière) s’intéresse à cette problématique. Le BRGM a certes son centre scientifique à Orléans mais aussi des directions régionales dans l’ensemble des régions françaises, et notamment en Alsace. A titre personnel, du fait de ma double culture, de mon bilinguisme et de ma spécialité d’hydrogéologue et hydrogéochimiste, j’ai été, pendant plus de vingt ans, fortement impliqué dans la gestion conjointe franco-allemande de la nappe du Rhin dans le cadre de nombreux projets de recherche dont je présenterai les contours et quelques résultats phares.
Dr. Wolfram Kloppmann est habillité à diriger des recherches. Membre du BRGM, il est chef de projet et chargé de mission.
17h50 : échanges
18h : pot de remerciement
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