Je suis Taïk, un puissant taureau noir. J'ai été acheté par un millionnaire dans la région de Nîmes. Il était gentil avec moi.

Un jour, je me suis réveillé dans un salle noire. Je ne voyais rien du tout. J'entendais des cris des l'autre côté des murs. Puis un bruit de verrou. Une porte s'ouvre. Je plonge vers la lumière du jour pour me retrouver dans une arène. Les gens dans les tribunes hurlaient. Au milieu, un homme avec un chapeau. Je me retourne : ils ont refermé derrière moi. Peut-être ont-ils pensé que j'allais reculer… Au début, je croyais qu'il fallait que je me défende. Je ne vois aucune issue.

Je repense soudain à ma famille, dans les steppes andalouses. Quand je courais après mon frère, quand on se battait pour de faux. Quand notre mère a disparu. Quand je me suis fait attrapé par ce millionnaire qui m'a jeté là. Au milieu de ces gens, je le devine sans peine, qui veulent ma mort…

Je secoue la tête. Je vais bien finir par attraper ce minus qui s'amuse tant, avec son chapeau et son drap, au milieu de l'arène. D'ailleurs, je fonce sur lui. Il ne bouge pas. Mes cornes pointées en avant, je pense que je vais l'empaler… Mais il m'esquive. Nouvel assaut de ma part, nouvelle esquive de la sienne. Et ce pendant plusieurs heures.

Je suis épuisé. Je prie le Ciel pour tout arrêter et revenir en arrière. Je vois le torero s'approcher de moi et brandir son épée. Je lui fais face, debout, fier, bien que n'ayant plus la force de bouger un muscle…

Je sens le sable chaud sous ma tête. C'est fou comme ça fait du bien… Une dernière pensée à ma famille. Les steppes andalouses bordées de cactus… Une douleur aiguë dans la nuque. Puis plus rien. J'ai prié pour que tout s'arrête et revenir en arrière. Mon premier voeu est exaucé, mais je doute que le deuxième me soit accordé… Tant pis, tel était mon destin. Mourir dans une corrida, comme bien des générations de taureaux avant moi.